News

✂️ Votre jardin a besoin d’une coupe ?

Et si on parlait de la tonte de nos pelouses ? Ça a l’air tout bête comme ça, mais on va voir que lorsqu’on creuse un peu, cela amène pas mal de réflexions très intéressantes et parfois un peu décalées. Je me livre ici à un partage de questionnements et d’informations glanées au fil de lectures, discussions et expériences personnelles. Je suis loin de tout faire parfaitement dans mon propre jardin, je tâtonne, comme tout le monde. Je place le curseur là où ça me semble juste pour moi et celleux avec qui je vis et rien n’est figé, tout peut évoluer. Cet article a vocation à faire un pas de côté, en utilisant la (ou l’auto-) dérision, pour questionner nos pratiques. En se rappelant toujours que la perfection n’existe pas, et qu’on fait chacune et chacun de notre mieux en fonction de nos possibilités.

Qu’on se le dise, tondre c’est nul (pour la biodiversité), c’est moche (prouvée par des milliers d’études scientifiques très sérieuses, si si 🙄) et ça pue (parce que pourquoi pas !) Ok mais pourquoi on continue à le faire alors ? Essayons de décortiquer un peu les enjeux derrière cette pratique.

Notre histoire aurait-elle un lien avec notre usage effréné de la tondeuse ?

Déjà, rappelons-nous que les jardins au cordeau, avec les buis découpés au ciseau, les pelouses bien rases et les parterres parfaitement entretenus font partie de notre histoire. Ce sont les fameux jardins à la française, dont la renommée est internationale, à juste titre. La créativité dans les formes et les couleurs de la palette végétale, l’ingéniosité dans le façonnement des paysages, les prouesses techniques d’alimentation des bassins et fontaines, ou encore les majestueuses perspectives ne peuvent, je pense, laisser personne insensible. En tout cas pour ma part, j’adore les visiter, j’en prends plein les yeux et je m’extasie devant nos grands chefs d’œuvres paysagers. Et pourtant, niveau biodiversité, sobriété en eau et en énergie, c’est… pas ouf ! Que voulez-vous, l’être humain est fait d’ambivalences, rien n’est tout blanc ou tout noir. Et puis aimer les découvrir ne signifie pas forcément reproduire ce modèle de jardin chez soi…

Image par sumulee de Pixabay

Pourtant, cela a sûrement façonné en partie nos représentations de ce qu’est censé être un jardin, de ce qu’on s’attend à voir quand on parle de jardin. Et je suppose que c’est aussi sûrement cela qui fait qu’on associe encore souvent les pelouses type “green de golf” à la notion de beauté et de propreté. Sauf que… on sait aujourd’hui que la biodiversité s’effondre partout, que l’artificialisation des sols continue à s’étendre et à menacer les écosystèmes. Malheureusement, la plupart de nos pelouses sont totalement inopérantes face à ces problématiques et même souvent les aggravent. Sans compter le manque d’eau auquel nous devons de plus en plus faire face et auquel bien souvent, nos pelouses “traditionnelles” ne sont pas adaptées. Aussi est-il temps de revoir notre conception de ces sujets que je trouve passionnants. Nombre de professionnel.le.s du métier ont déjà réfléchi et expérimenté des pratiques plus responsables et durables, bien au-delà du seul sujet de la tonte de pelouse qui nous occupe ici. Je pense par exemple à Eric Lenoir et son jardin punk ou à Piet Oudolf et sa formidable mise en valeur des graminées en toute saison pour ne donner que quelques exemples. Je vous conseille également de découvrir le travail de Rouge Pivoine, paysagiste près de Nantes, qui intègre magnifiquement les plantes sauvages, locales, comestibles à sa conception paysagère.

Photo du Lurie Garden, Chicago, par Piet Oudolf

La tonte en questions

Mais revenons à la tonte et passons en revue ce qui peut nous aider à réduire notre usage de la tondeuse, là où c’est possible, quand c’est possible en fonction des possibilités de chacun.e. Le ton est un peu “poil à gratter” mais rien de méchant, juste des traits d’humour, gardez ce qui vous parle, laissez ce qui n’est pas pour vous 😉

🏅Pile : On perd du temps à tondre ?Et du coup on fait quoi ?
N’ayons pas peur des mots, c’est un véritable massacre à la tondeuse qui se produit sous nos yeux, rien de moins 😅 ! RIP les pissenlits et autres boutons d’or ratiboisés dans la fleur de l’âge 😢 alors qu’ils faisaient le bonheur des coccinelles et des papillons… Adieu petit rumex parti trop tôt dont les graines n’auront pas eu le temps de nourrir les oiseaux (en plus ça rime). Il est sûrement temps de changer notre regard sur ces “indésirables” qui ont d’ailleurs souvent des propriétés intéressantes, pour notre alimentation ou celle de la faune sauvage, notre santé, notre hygiène ou juste leur agréable présence au jardin. Gros crush pour les pissenlits pour ma part, regardez-moi ces beautés :



On peut par exemple commencer par leur accorder un petit espace dans le jardin, dans un petit coin où on ne va pas trop, où on ne les voit pas trop de la maison. Juste laisser le sol tranquille et voir ce que ça donne, observer. Puis pourquoi pas agrandir ces zones, se laisser guider par les semis spontanés, faire des rotations des zones de tonte d’une année sur l’autre, etc. C’est ce qu’on appelle généralement la gestion différenciée : https://fr.wikipedia.org/wiki/Gestion_diff%C3%A9renci%C3%A9e
Le gazon, ce béton vert : seules quelques espèces ont leur carte au parti du Green de golf. Du coup, on fait quoi de toutes les autres plantes ? On ne peut décemment pas les mettre sur un canoë et les renvoyer à la frontière… 🤨
Il existe différents types de mélanges de graines à gazon, à choisir en fonction de nos contraintes et exigences : à pousse plus ou moins lente, résistantes au piétinement, d’autres encore plus adaptées aux situations de sécheresse, etc.Ce choix rendra également la pelouse plus durable et moins sensible aux intrusions d’autres plantes et mousses.Quand on peut anticiper l’aménagement de son jardin, il est également intéressant de délimiter des zones de semis du gazon (allées, zone de détente par exemple) sans forcément en répandre sur tout le jardin.



Voici notre jardin, fin avril 2020, (pas de tondeuse pendant tout le confinement !), le trèfle du mélange de graines que nous avions semé quelques années plus tôt s’en est donné à coeur joie !
Dans biodiversité, y’a diversité : c’est ça la force du vivant, plein de compétences différentes, plein de looks différents, plein de tailles différentes, plein de mœurs différentes (même qu’il y a des queers aussi chez les plantes, si si !) …Et on a rajouté bio devant parce que c’est à la mode 🤷La science est encore loin d’avoir identifié toute la complexité des interactions entre êtres vivants d’un même biotope, qui lui-même est relié à d’autres biotopes, bref, c’est infini. Tout est une histoire d’équilibre, qui s’ajuste en permanence. Il faut accepter que certaines choses nous échappent, sont hors de notre perception. Tout le monde fait des erreurs au jardin, très peu sont irrattrapables.En clair, tolérance, curiosité et bienveillance avec soi et les autres vivants, humains et non-humains, et on sera déjà sur la bonne voie !
Les robots de tonte, ces serial tueurs de petites bêtes, cauchemar des hérissons 👿Pour ma part, je trouve qu’il n’y a pas grand chose de bon dans les robots de tonte, ils représentent un appareil de plus, électronique qui plus est, donc pour la low-tech on repassera. Ils demandent une coupe quotidienne et une hauteur de tonte très basse qui ne permettent aucune floraison ni la présence de microfaune.Si vous en avez déjà fait l’acquisition, vous pouvez par exemple mettre la coupe au plus haut, espacer les tontes autant que possible et limiter les zones de tonte pour laisser d’autres zones plus naturelles.



Dans notre jardin en juillet 2020, on avait récupéré une tondeuse mais on a laissé deux zones intactes que nous avons ensuite fauchées en fin d’automne. On a eu de magnifiques floraisons, puis vers la fin c’était tout fané, disons que ça rentrait pas trop dans les critères esthétiques habituels des jardins… Mais je savais qu’il était important que les graines des fleurs fanées puissent se disperser par le vent ou par ingestion pour les oiseaux. En toute transparence, depuis, nous n’avons pas refait ce type de zone. Nous avons fait pas mal de plantations et j’ai pris le parti de réduire progressivement la zone de pelouse. Je continue de la tondre, le plus haut possible (généralement autour de 10 cm),en laissant par ci par là des orties, des pissenlits, de la bourrache qui se ressèment toute seule, etc. Mon but à terme est que la tonte se limite aux cheminements et à une zone délimitée proche de la terrasse.
Quand on tond tout le jardin, on peut même pas matérialiser des allées avec un seul coup de tondeuse bien senti alors que c’est pourtant super simple et beau, nul je vous dis !Faites l’essai : au lieu de tondre tout votre jardin d’un coup, amusez-vous à tondre juste des allées, des zones de détente, de jeux… Voyez comme cela peut changer votre jardin et la manière dont vous l’habitez. Pour ma part c’est la lecture du Petit traité du jardin punk d’Eric Lenoir qui m’a fait tilt sur ce sujet.
La tonte, ça génère un max de déchets ! On est content.e on a fini de tondre, mais on se retrouve avec notre tas d’herbe coupée, qui en quelques jours va fermenter et prendre une odeur qu’on ne souhaite pas comme haleine à notre pire ennemi.La solution : le mulching, un nom savant pour désigner simplement le fait de laisser les coupes d’herbe en place. La plupart des tondeuses peuvent être équipées d’un bouchon au niveau du carter : les herbes vont se faire mixer finement avant de tomber au sol et d’être ainsi rapidement intégrée par les (micro-)organismes : plus d’herbe à ramasser et le sol est nourri directement par les débris d’herbe riches en azote.A défaut de kit mulching, épandez en couche fine les résidus de tonte en plein soleil pendant 1 journée ou 2 puis utilisez-le en paillage dans vos platebandes et au potager. Plus de risque de fermentation car la plus grande partie de l’eau se sera évaporée.
Vous ne vous êtes jamais dit que votre tondeuse était un peu un boulet ? C’est bruyant 🎧 consommateur d’énergie🍼, ça nécessite un entretien régulier nécessaire…Il n’est pas toujours facile ou possible de se passer complètement de tondeuse, mais voici quand même quelques pistes. Pour les petites surfaces et une version plus low tech – que pour ma part j’ai adoptée (environ 250 m² de jardin) – on peut penser à une version mécanique, qu’on appelle tondeuse hélicoïdale.



Ça se fait bien plus facilement que ce qu’on croit et les nuisances citées avant sont pour ainsi dire éliminées, surtout si on réduit la surface à tondre. Une petite attention tout de même, plus on laisse l’herbe grandir, plus la tonte devient physique. Tout est question de dosage donc.On peut aussi penser à la mise en commun de matériel, c’est toujours autant d’appareils électriques ou thermiques en moins qui sont vendus et donc produits.

🥇 Face : On gagne en biodiversité

Infographie de la FAO, Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture

  • 🎤 Sol, le monde est sol : ça foisonne de vie là dessous, et si ça va bien dessous, ça va bien dessus ! Et inversement ! Les tontes courtes et répétées épuisent le sol en pompant tous les nutriments dont l’herbe a besoin, sans permettre au sol de développer la vie nécessaire à sa régénération. Alors on minimise le travail du sol, le labour par exemple, ne devrait être utilisé qu’en dernier recours. De même que la scarification, qui normalement n’est pas nécessaire si votre hauteur de coupe est suffisante, les mousses ne pourront pas se développer et votre pelouse sera plus résistante aux sécheresses et aux aléas. Au printemps, une poignée de compost par m² de pelouse ne peut que lui faire du bien.
  • Pour la blague : Tes mollets te démangent ? Va dans ta zone non tondue, les herbes se chargeront de gratter à ta place ! Quand tu ressors ça ne gratte plus… Ou alors si, mais au moins tu sais pourquoi !
  • Les pucerons, ils ont le droit de vivre eux aussi, mais dans les herbes sauvages c’est mieux que dans le potager hein ? Surtout quand ces mêmes herbes peuvent abriter aussi leurs prédateurs, je dis ça je dis rien… 🤐
  • Le temps gagné à moins (ou ne plus ?) tondre, peut être utilisé par exemple à reconnaître les plantes sauvages du jardin, se renseigner sur les plantes bio-indicatrices qui par leur présence peuvent vous informer sur la nature de votre sol. Voire même apprendre les mille vertus de nos voisines souvent méconnues. Je vous conseille par exemple de faire un tour sur le site des MOOC (cours en ligne ouvert à tou.te.s) de Tela Botanica, une mine d’infos : https://mooc.tela-botanica.org/

Alors, et vous, vous êtes plutôt team plantain, rumex, bouton d’or ? Pour moi, vous l’avez compris, ce sera Pissenlit for ever 🥰

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *